Résumé d’articles, zoom sur les vulvodynies

Par le docteur Jean-Marc Bohbot, Président de l’Académie du Microbiote Urogénital

Résumé de l’étude « Treatment of Provoked Vulvodynia: A Systematic Review » de Bohm-Starke N et al.1

Il s’agit d’une revue de la littérature portant sur 27 études éligibles portant sur les traitements des vulvodynies provoquées chez les femmes préménopausées.

  • Traitements per os : la gabapentine (anti-épileptique également prescrit comme anti-douleurs) et la désipramine (antidépresseurs) ont montré une efficacité sur la fonction sexuelle vs placebo
  • Topiques locaux : bien que recommandée dans plusieurs guidelines, la lidocaïne en gel n’a pas montré d’amélioration sur la douleur ou l’activité sexuelle vs placebo. Néanmoins cette conclusion n’émane que d’une seule étude. Les oestrogènes locaux n’ont pas démontré d’efficacité.
  • Injections in situ de toxine botulique : les résultats sont contrastés selon les études, soit soulagement de la douleur à court terme mais pas à long terme, soit absence d’effet bénéfique vs placebo
  • Physiothérapie : les séances de rééducation périnéale avec biofeedback ont montré une efficacité sur la douleur et la fonction sexuelle à court et long termes. Une étude a montré un effet bénéfique de l’électrostimulation trans épidermique sur la dyspareunie et la fonction sexuelle.
  • Psychothérapie : les thérapies cognitivo-comportementales ont donné des résultats plutôt favorables en terme de réduction de la dyspareunie et d’amélioration de la fonction sexuelle. Mais l’impact du bénéfice varie selon les techniques utilisées.
  • Autres techniques : les traitements par laser ont fait l’objet de peu d’études robustes mais ne semblent pas montrer de résultats très favorables. Une étude rapporte un effet bénéfique des ondes de chocs sur la dyspareunie mais pas sur la fonction sexuelle.

Commentaire

Les vulvodynies provoquées se caractérisent par une sensation de douleur aiguë ou de brûlure localisée à l’entrée du vagin déclenchée par le moindre contact. 

Ce syndrome impacte sérieusement la vie sexuelle des femmes et leur qualité de vie en général. 

La revue ci-dessus résume les différentes possibilités thérapeutiques qui s’offrent au praticien. Il en ressort que la rééducation périnéale avec biofeedback est probablement l’une des thérapeutiques les plus efficaces. Cependant, je ne disqualifierais pas le traitement local par lidocaïne qui peut être associé aux séances de rééducation. Enfin, l’utilisation d’antidépresseurs comme l’amitriptyline peut faire partie de l’arsenal thérapeutique. 

Pour certains auteurs, la vulvodynie provoquée s’inscrit dans un contexte d’infection vaginale chronique ou récidivante à type essentiellement de candidose, ce qui pourrait justifier un traitement adjuvant par fluconazole au long cours. 

Mais d’autres études commencent à pointer l’implication de la dysbiose vaginale dans le déclenchement de ce syndrome comme le montre l’étude ci-dessous :

Résumé de l’étude « Changes in the Vaginal Microbiota of Women With Secondary Localized Provoked Vulvodynia. » de Awad-Igbaria Y et al.2

L’étude a comparé 9 femmes atteintes de vulvodynies provoquées à 21 femmes « saines » contrôles. Toutes les patientes ont eu une analyse de leur microbiote vaginal par séquençage 16S. 2 évaluations de ce microbiote ont été pratiquées en début d’étude et après un régime alimentaire pauvre en oxalates de 3 semaines prescrit chez 5 des 9 femmes avec vulvodynies.

L’étude n’a montré aucune différence significative de l’α-diversité du microbiote vaginal entre les 2 groupes mais une diminution de la β-diversité chez les patientes avec vulvodynies et identifié le genre Ochrobactrum et la famille Pseudomonadacaeae comme marqueurs de la vulvodynie. Par ailleurs 23 voies métaboliques bactériennes différentes entre les femmes avec vulvodynies et les femmes saines ont été identifiées. Enfin, le régime pauvre en oxalates pourrait induire des modifications de la β-diversité corrélée à une relative diminution de la douleur (non statistiquement significative).

Commentaire

Les vulvodynies provoquées sont fréquentes (prévalence entre 8 et 18 % selon les études) avec un impact important sur la qualité de vie des femmes atteintes. Les mécanismes physiopathologiques de ce syndrome sont loin d’être totalement élucidés. Les études histologiques des zones douloureuses montrent une inflammation (infiltration lymphocytaire) et une hyper-innervation avec une externalisation des terminaison nerveuses. Les infections chroniques ou récidivantes à Candida ou à Streptococcus agalactiae sont souvent identifiées dans les antécédents. 

Paradoxalement, l’étude de Awad-Igbaria n’a pas retrouvé cette corrélation. La constatation d’une certaine homogénéité des voies métaboliques au sein de la population avec vulvodynies par rapport au groupe témoin est en faveur de la probable responsabilité d’une modification du microbiote vaginal dans cette pathologie. Néanmoins, le faible effectif de cette étude incite à la prudence dans les conclusions…

  1. Bohm-Starke N, Ramsay KW, Lytsy P, Nordgren B, Sjöberg I, Moberg K, Flink I. Treatment of Provoked Vulvodynia: A Systematic Review. J Sex Med. 2022 May;19(5):789-808. doi: 10.1016/j.jsxm.2022.02.008. Epub 2022 Mar 21. PMID: 35331660.
  2. Awad-Igbaria Y, Palzur E, Nasser M, Vieira-Baptista P, Bornstein J. Changes in the Vaginal Microbiota of Women With Secondary Localized Provoked Vulvodynia. J Low Genit Tract Dis. 2022 Oct 1;26(4):339-344. doi: 10.1097/LGT.0000000000000689. Epub 2022 Aug 6. PMID: 35943448.