Sexual transmission of urogenital bacteria: whole metagenome sequencing evidence from a sexual network study. mSphere.
Carter KA, France MT, Rutt L, Bilski L, Martinez-Greiwe S, Regan M, Brotman RM, Ravel J. mSphere. 2024 Mar 26;9(3):e0003024. doi: 10.1128/msphere.00030-24. Epub 2024 Feb 15.
La vaginose bactérienne est-elle une infection sexuellement transmissible (IST) ?
Cette question se heurte à un paradoxe :
- d’une part les circonstances épidémiologiques1 de survenue de la VB sont comparables à celles observées au cours des infections sexuellement transmissibles ( risque fréquent après rapport avec un nouveau partenaire sexuel ou avec des partenaires multiples),
- d’autre part l’antibiothérapie conjointe des partenaires sexuels ne diminue pas la fréquence des récurrences, si bien que le traitement systématique du partenaire masculin ne fait pas partie des recommandations officielles2
L’étude de Carter et al est intéressante car elle porte sur les partenaires contacts de sujets porteurs d’une infection à Chlamydia trachomatis. Par un effet « boule de neige », les auteurs ont pu ainsi tester des sujets jusqu’à un rang 4 par rapport au contact initial.
138 participants ont été inclus dont 74 femmes et 43 sujets contacts. Une étude du microbiote vaginal et du microbiote urétral chez les hommes a été pratiquée par séquençage métagénomique.
Une concordance de souches bactériennes (115 souches) correspondant à 25 espèces bactériennes différentes a été retrouvée chez 54 participants. 7 de ces concordances ont été retrouvées au sein de partenaires hétérosexuels et concernaient essentiellement Fannyhessea vaginae, Gardnerella leopoldii, Prevotella amnii, Sneathia sanguinegens, et Sneathia vaginalis. Une transmission sexuelle de Lactobacillus iners au sein de partenaires homosexuelles a été observée.
Cette étude ne permet pas de conclure de manière formelle sur la transmission sexuelle de la vaginose bactérienne mais elle renforce le concept d’une transmission hétérosexuelle de certaines bactéries associées à la vaginose (BAV).
Une question demeure : pourquoi le traitement du partenaire sexuel ne permet-il pas de limiter les récidives de VB ? Plusieurs hypothèses :
- les traitements classiques (métronidazole, clindamycine) ont un spectre qui ne couvre pas la totalité des BAV, en particulier Fannyhessea vaginae, fréquemment transmis sexuellement selon l’étude de Carter. Ces traitements ne permettraient donc pas d’éliminer les bactéries majoritairement transmises à l’homme avec, par conséquent, un risque de recontamination ultérieure à la partenaire.
- La pharmacocinétique des antibiotiques varie selon les tissus et il existe probablement des différences de concentration tissulaire entre vagin et urétre.
- Enfin, l’urètre ne bénéficie pas de l’effet bénéfique des lactobacilles. Dans le vagin, la diminution de la concentration en BAV grâce aux antibiotiques permet aux lactobacilles de rééquilibrer le microbiote. Dans l’urètre l’absence de lactobacilles en concentration suffisante conjuguée à l’efficacité limitée de l’antibiothérapie peut expliquer la persistance de BAV et la possibilité d’une recontamination ultérieure.
Les solutions anti-infectieuses actuelles ne permettent pas, objectivement, de réduire les récidives de VB chez certaines femmes. Indépendamment de l’utilisation de probiotiques (ou post-biotiques) dont l’effet bénéfique a été démontré au cours d’études cliniques, l’utilisation d’anti-infectieux mieux adaptés à la bactériologie urétrale pourrait améliorer la prise en charge de la VB.
- Vodstrcil LA, Muzny CA, Plummer EL, Sobel JD, Bradshaw CS. Bacterial vaginosis: drivers of recurrence and challenges and opportunities in partner treatment. BMC Med. 2021 Sep 2;19(1):194. doi: 10.1186/s12916-021-02077-3. PMID: 34470644; PMCID: PMC8411528.
- Workowski KA, Bolan GA. Sexually transmitted disease treatment guidelines, 2015. MMWR Recomm Rep. 2015;64(RR-3):1–137.